J’ai peur de ne pas être à la hauteur
Conférence
Michèle Block - Kinésithérapeute
31ème Rencontres des Pédiatres homéopathes francophones - Novembre 2013
Bonjour à tous et à toutes
Nous avons, Anne et moi-même, le délicat privilège de commencer avec vous cette première session de la Rencontre des Pédiatres Homéopathes francophones.
Avant tout, nous tenons à remercier le Comité Organisateur de nous avoir invitées et nous donner l’opportunité de partager avec vous notre conception thérapeutique avec les enfants âgés de quelques mois jusqu’à 9 – 10 ans.
Ce travail, cette vision sont l’aboutissement en ce qui me concerne de 48 années de pratique et Anne, à mes côtés, depuis 19 ans.
En effet, en 1965 je termine mes études de kinésithérapie à l’E.T.S.K où Marcelle Procus était professeur de Kinésithérapie et elle me propose de travailler avec elle pour débuter un groupe de 5 à 6 bébés et jeunes enfants IMC tels qu’hémiplégie, paraplégie, quadriplégie, choréathétose avec, bien souvent des problèmes conjoints d’épilepsie. Ce fut une grande école de vie.
Dans les années 1970, nous avons été invitées par le Docteur Jean-Pierre Lebrun à travailler dans les premières institutions d’enfants autistes et psychotiques sévères.
Puis, dans les années 1973-1974 nous avons été , je pense, les pionnières – précurseurs en Belgique de ce qu’on appelle aujourd’hui la Rééducation Psychomotrice, car, à ce moment-là, en Kinésithérapie on ne suivait les enfants que pour pieds plats, pieds creux, lordose, cyphose, scoliose et le tout début pour les enfants présentant des troubles de dyslexie ou caractériels.
Nous avons donc eu la possibilité de travailler avec des enfants présentant des lésions neuropathologiques, des troubles psychopathologiques, ainsi que tous les thèmes de l’éducation neuromotrice et de la rééducation psychosomatognosique.
Revenons au thème choisi. « J’ai peur de ne pas être à la hauteur ».
Ce titre est venu en quelques secondes après l’histoire vécue à ce moment-là avec Lucas un petit garçon de 5 ans en 3ème Maternelle qui nous a été envoyé par une neuropsychiatre pour troubles de l’attention, de l’orientation spatiale, pour difficultés en graphisme, fine motricité et impulsivité.
Lucas arrivait en pleurant fort, ne voulant pas lâcher sa mère et quand il acceptait de nous accompagner, il demandait à sa mère de bien rester assise sur cette chaise là, à l’intérieur, dans la salle d’attente.
Lucas entré dans la salle pour sa séance, se mettait immédiatement dans un coin, le visage tourné vers le mur et continuait à pleurer. Quand il se calmait un peu, Anne ou moi-même nous allions le chercher et tout en l’accompagnant par les mots, nous l’aidions à se déshabiller et à entrer dans la leçon.
À ce moment-là, nous pouvions sentir qu’il avait des capacités, du potentiel. Il était heureux et nous espérions que la leçon suivante serait plus facile, mais malheureusement, tout était à refaire. Plus de 10 séances se passent ainsi.
Ceci devenait perturbant pour ses trois autres compagnons, qui, il faut le reconnaître, ont été impeccables, car jamais ils ne l’ont ni critiqué, ni rejeté, au contraire, ils essayaient de l’inviter à jouer avec eux dans la construction d’un circuit de train avec des legos, un château, etc.
Mais, il faut bien dire que nous n’avions plus la même possibilité d’être pleinement présentes et d’avancer sereinement avec chaque autre enfant.
Un vendredi, au mois de mars, à bout d’imagination, ne voyant pas d’autre issue, je demande à Lucas de m’accompagner dans une autre pièce, pendant que Anne continue avec les autres enfants.
(Ceci est un des points forts de notre conception c’est d’être toujours présentes à deux thérapeutes, car autrement, ce moment privilégié n’aurait pas pu avoir lieu.)
Et là je lui dis : Lucas, qu’est-ce que nous pouvons faire pour t’aider, pour que tu puisses te sentir heureux, que tu aies envie de participer et que tu aies le désir d’apprendre avec les autres compagnons. Pas de réponse. Alors je lui pose la bonne question ! : peut-être ne souhaites-tu pas continuer ? Et là, bien sûr, il hoche la tête positivement. Alors je lui dis que cette décision doit être prise avec le docteur, sa maman et moi-même et que je vais l’appeler pour lui en parler (comme elle ne pouvait pas bouger de sa chaise, j’étais confiante de pouvoir continuer l’entretien ensemble à trois).
À ce moment, la maman qui venait à ma demande de revoir le docteur me dit que celle-ci souhaite que Lucas continue ses séances : que ses troubles de l’attention vont mieux, mais qu’il souffre de dyspraxie.
Et là, j’ai complètement oublié que Lucas est présent et avec force et vigueur je réponds à la maman que tout cela n’existe pas, que si Lucas se décidait à montrer son potentiel, tout deviendrait possible et plus facile. Lucas a la possibilité de retenir et d’apprendre. Me voilà devenue un superbe défenseur de ses capacités même si le diagnostic de dyspraxie était à ce moment-là tout à fait exact. Je sens un regard qui me traverse le dos. Comme je vous l’ai dit, je l’avais complètement oublié. Je me retourne et dans son regard je vois son étonnement, mais également toute la peur, une peur viscérale.
Et là je lui demande : au fond tu as peur de ne pas être à la hauteur et par conséquent il vaut mieux ne rien faire. Il acquiesce positivement de la tête. Pendant quelques instants je suis interpellée de cette évidence pour lui et il me vient une idée : je lui propose un challenge et je lui dis : et si je devenais ton coach de la confiance. Il se lève et il vient me la « toper » pour acter le coaching (5 ans).
Le lundi, la séance suivante, Lucas sort de la voiture paisiblement, monte l’escalier, sans rien imposer à sa mère et je l’accompagne, mais la mère me dit : je voudrais vous parler quelques instants et me raconte que dès qu’il a quitté le vendredi, dans la voiture, il dit à sa maman : « j’ai sorti tous mes amis de ma gorge », car il subissait une pression énorme de ses camarades qui le ridiculisaient, le traitaient de fille qui pleure toujours et qu’il ne savait rien. Il faut dire que sa maîtresse d’école, déjà tout au début du mois de mars, avait laissé clairement entendre qu’il devrait aller en enseignement spécial.
Le dimanche, il a redit à sa maman que les amis sortaient « de son corps, de son cœur, de son ventre ».
Quelle bonté de Lucas de les appeler ses amis, mais quelle souffrance, quelle violence il a subi et ceci me fait penser à une phrase de Madame Dolto extraite du livre « Grandir » de Claude Halmos « Ce bébé (et j’ajouterai tout enfant, toute personne) dont on ne sait pas, dit-elle, qu’il entend tout ce qui est dit de lui, et qu’il peut de ce que ses oreilles enregistrent, rester marqué sa vie entière ».
Alors je pense à cette phrase « Change ton Regard et la Vie jaillira ».
Oui il nous appartient à pouvoir changer notre regard, car Lucas a pu me faire saisir cette souffrance et je me suis demandée si les symptômes manifestés de façons bien diverses chez l’enfant et ce depuis son plus jeune âge ne cachent pas en réalité cette peur de ne pas être à la hauteur, de ne plus être aimé et toutes les autres peurs comme d’être rejeté, de ne pas avoir d’amis, d’être abandonné, et cette peur existentielle du « je ».
Et quels sont les symptômes les plus fréquents, les plus visibles :
trouble de l’attention, dans sa bulle, le regard qui fuit, le regard absent,
le teint blême, la vie ne circule pas
le sabotage, le déni de soi, le repli sur soi, le faux débile
le bourreau, la victime
le refus scolaire, hyperkinétique, agressivité, etc.
Tous ces symptômes amènent l’enfant à s’enfermer dans un « Corps de peur ». Bien sûr, cela ne suffit pas à tout expliquer dans le diagnostic posé, dans la difficulté rencontrée chez l’enfant, mais peut-être, n’oublions pas ce facteur. Et vous Pédiatres-Homéopathes, vous êtes une aide précieuse pour les comprendre et les accompagner de façon homéopathique.
Puis, je me suis posé la question « est-ce que moi je n’ai pas peur, aujourd’hui, de ne pas être à la hauteur ? » Mais la peur, comme l’a écrit Ernest Ortz est « de l’amusement gelé » et le contraire de la peur c’est « l’amour » aimer et donner le meilleur de soi-même ce qui est autrement stimulant !!
Après cette longue introduction, je suis sûre que Anne et moi-même nous aurons, dès à présent, toute votre indulgence.
Maintenant, si vous le voulez bien, voyons en quoi consiste une séance.
Voici la structure, le canevas d’une séance qui reprend à chaque fois les différents points
L’accueil
Habillage – Propreté
Massage
Induction du mouvement conscientisé
Développement psychomoteur
Apprentissage d’une nouvelle notion d’un des thèmes essentiels : Espace – Temps – Rythme – Schéma Corporel
Jeu ou application
Le Groupe
Être présentes à deux thérapeutes
Philosophie
Temps d’échange avec les parents.
Pour développer ces différents points il nous faudrait bien quelques heures aussi nous allons nous arrêter sur les points essentiels et originaux tout en les illustrant par des vidéos.
Le point le plus important.
Avant tout, je remercie Marcelle Procus pour ce qu’elle m’a apporté et appris, mais aussi pour tout ce qu’elle a apporté aux enfants par son intuition créatrice, car déjà en 1951 elle a publié un article sur l’Induction du Mouvement Actif qui est devenu, très rapidement, l’Induction du Mouvement Conscientisé.
Ce point sous-tend tout le travail avec tous les enfants que nous suivons de quelques mois jusqu’à 9 – 10 ans.
Ce sera notre fil rouge de cette après-midi.
Je commencerai par une citation du Docteur Kulakowski, neuropédiatre extraite de la monographie éditée en hommage à Marcelle Procus en 1997 et qui reprend toutes ses publications.
(Actuellement sur le site internet lesracinesdelavie.com).
« Une pensée originale, une pratique cohérente, bien en avance, mais aussi en accord avec les ouvertures récentes de la neuropsychologie moderne qui mettent en exergue les données concernant le développement et l’importance de la Plasticité Cérébrale. »
Aussi, je vais essayer de vous faire voir la concordance entre la théorie sur la Plasticité Cérébrale et la pratique au quotidien.
Je me suis appuyée sur le livre de Sharon Begley : « Entraîner votre cerveau – Transformer votre cerveau. Comment la science de pointe révèle le potentiel extraordinaire de la neuroplasticité. » Edition Ariane – Avant-propos du Dalaï-Lama.
En 1890, William James, le père de la psychologie expérimentale aux États-Unis est le premier à appliquer le terme de plasticité, en disant que la matière organique, notamment le tissu nerveux, semble douée d’un extraordinaire degré de plasticité.
Puis il faut attendre les années 1980-1990, cent ans après, pour reconnaître que le cerveau a la capacité de régénérer les régions endommagées, de produire de nouveaux neurones, d’attribuer une tâche à des aires qui en effectuent une autre, de modifier la circuiterie qui façonne les réseaux neuronaux, mais en permettant de mémoriser, de sentir, de souffrir, de penser, d’imaginer, de rêver.
Le concept de la neuroplasticité suggère donc que le cerveau est fortement malléable et sujet aux changements en raison des expériences de vie, en sorte que les neurones peuvent nouer de nouvelles connexions ou qu’il produise des neurones tout neufs.
Et Helen Neville pose la question (au Dalaï-Lama en 2004) - Si les fonctions spécialisées des diverses régions du cerveau n’étaient nullement fixes, ni par l’ADN ni par quoi que ce soit d’autre ?
Mais plutôt les stimuli environnementaux, et par conséquent le vécu de la personne, qui modulent le développement et la spécialisation des régions et des circuits ? Elle continue en disant « l’esprit fait bouger les montagnes, voilà l’essentiel de ma recherche. »
Virtuellement, chaque système cérébral dont nous connaissons l’existence, systèmes visuels, systèmes auditifs, systèmes attentionnels, systèmes langages, est façonné par l’expérience, et ce de manière significative.
Elle conclut en disant : « Voila ce que j’entends par Neuroplasticité. Certains systèmes cérébraux sont beaucoup plus plastiques que d’autres. Quelques-uns ne sont malléables qu’au cours de périodes circonscrites tandis que d’autres sont capables de tout changer, tout au long de la vie et c’est là où nous serons tributaires de cette réalité ».
Je terminerai par deux phrases importantes que je reprendrai ultérieurement et que je vous demande de bien mémoriser :
Les cellules qui s’activent ensemble sont câblées ensemble. Stimuler la même chaîne de neurones encore et encore, augmente les chances que ce circuit s’active jusqu’à la fin de la chaîne.
La Neuroplasticité est impossible sans l’attention et l’effort mental, c’est-à-dire la concentration.
En conclusion nous pouvons en déduire que le cerveau est le fruit du vécu, qu’il subit des changements physiques en réponse à la vie que mène son propriétaire.
Passons à présent à la Pratique
C’est-à-dire comment éveiller dès la naissance tous les systèmes sensoriels moteurs, auditifs, attentionnels, langages, ce que nous avons réalisé de façon pragmatique depuis 1965.
L’Induction du Mouvement Conscientisé consiste en un ensemble d’exercices chantés qui mettent tout le corps du bébé ou jeune enfant en mouvement : pieds, jambes, bassin, tronc, bras, tête. Et ces mouvements sont répétés à chaque séance avec la même chanson et dans le même ordre, et agit tant au niveau physique que psychique et énergétique et permet, à la « Totalité de l’Être » de se construire ou de se reconstruire.
Il s’agit d’une communication, une relation à l’autre, une attention active et prolongée du bébé ou enfant et de moi-même.
J’envoie une information, un influx et je suis à l’écoute attentive par mes mains et tout mon être à une réponse infime en retour, à la moindre ébauche du mouvement actif volontaire pour être en harmonie avec celui-ci. Il s’agit d’une réflexibilité de l’un à l’autre, comme le flux et le reflux des vagues, comme une valse à deux temps.
Je donne – Je reçois
Je reçois – Je donne
où chacun est à la fois Emetteur et Récepteur.
Il s’agit de stimuler ce mouvement de circulation de vie, car je ne peux « me donner et me recevoir » que par l’autre, que par l’expérience de l’altérité.
« Le plus court chemin de moi à moi-même passe toujours par autrui » Habachi
Je vous propose à présent une petite récréation et cela tombe bien, car l’Induction du Mouvement Conscientisé consiste en une récréation par la répétition. Nous allons regarder la vidéo de Charles-Henri, un bébé de trois mois, sans pathologie après six séances d’induction (filmé en 1989) pour le 4ème Congrès Mondial de la Psychiatrie du Nourrisson .
Je vous laisse découvrir comment chaque système central est éveillé et stimulé :
- Système auditif : par les petites chansons
- Système attentionnel : par l’attention soutenue tout au long de l’interaction
- Système langage : par les paroles, les sons, le silence, le toucher….
- Système visuel : par le regard bienveillant d’œil à œil (fenêtre de l’âme), mais également par les mimiques de mon visage en fonction de ce qui se passe, ce qui amène à l’éveil des neurones miroirs.
Pensons au moment où Charles-Henri est en train d’essayer de dire pif et paf en fixant du regard le mouvement de mes lèvres.
L’Induction du Mouvement ne peut devenir consciente, s’inscrire au niveau du cortex et être engrammée que grâce à la répétition.
Ce mot engendre bien souvent une confusion avec :
- réflexe
- conditionnement
- automatisme
Ce n’est ni l’un ni l’autre, car la répétition doit s’accomplir comme si le mouvement naissait pour la première fois dans toute la fraîcheur de sa nouveauté, ainsi à chaque fois, nous ne sommes jamais identiques, d’autre part, le rythme, l’amplitude du mouvement, le ressenti du mouvement et sa réponse sont également à chaque fois différents.
Il s’agit donc d’une créativité à chaque fois renouvelée et revenons à cette phrase que je vous avais demandé de bien mémoriser « les cellules qui s’activent ensemble sont câblées ensemble », un peu comme si, au départ, par cette interaction entre le bébé et moi-même nous nous trouvions dans la brousse et que nous partions de rien, puis une trace va apparaître, une piste, un chemin, une route et pourquoi pas, une autoroute ? et ainsi en stimulant par la répétition la même chaîne de neurones – encore et encore et encore – à chaque fois par de nouvelles informations sensitives et sensorielles, en éveillant ou ré-veillant la pulsion de vie, l’élan de vie, ces informations pourront être mémorisées, intégrées, engrammées et devenir une expérience vécue qui permet au bébé ou enfant d’entrer dans son enveloppe corporelle, de sentir et ressentir, de vivre ce corps qui est le sien.
C’est cela la Neuroplasticité.
Voyons comment cette notion de neuroplasticité est présente tout au long de notre conception thérapeutique.
À partir de 2 ans jusqu’à 4-5 ans, tout en continuant les exercices chantés, nous introduisons le tout début du développement psychomoteur par quelques exercices structurés au niveau du corps et qui reprennent toute l’évolution neuromotrice du jeune enfant comme :
- marcher en accroupi
- marcher sur les genoux
- courir à quatre pattes
- et ramper
Encore une fois nous induisons cette expérience par la répétition de l’exercice, pour permettre à l’enfant de réaliser progressivement et correctement le mouvement.
Nous l’accompagnons également par notre voix, nos paroles ce qui les sécurise, les soutient dans leur effort.
« Le schéma corporel est fondé sur l’expérience » Wallon.
L’enfant découvre ainsi le passage harmonieux de la dépendance à la découverte et au plaisir de l’autonomie.
Des supports d’éveil viennent enrichir la compréhension et la motivation de l’enfant comme des livres d’images, des livres sur le toucher, des jouets, des disques, etc.
Regardons la vidéo avec quatre enfants de 2,5 – 3 ans pour mieux saisir l’atmosphère d’un petit groupe lors d’une séance.
Nous constatons que l’enfant est plongé dans un « Bain de Vie » où chacun, tout au long de la séance, vit sa propre expérience : lors du massage, des petites chansons, des exercices du développement neuromoteur et dans les autres moments relationnels et créatifs.
Chaque séance est un moment de vie différent avec ses imprévus, avec sa créativité.
Pour que l’expérience vécue par l’enfant s’intègre dans sa « Totalité Corporelle », il faut un « Plus ».
Il s’agit de créer ou de recréer le Désir, la Motivation, l’Appétence.
Et je reprends quelques lignes écrites par le Professeur Oughoulian, Professeur de Psychologie à la Sorbonne.
« Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. En fait c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement.
Nous sommes des « moi » du désir. Sans le désir né en miroir, nous n’existerions pas ».
et cette autre citation par le Professeur Jean-Didier Vincent « La plus grande stimulation pour le cerveau reste l’autre. Le cerveau de l’être humain se nourrit des nourritures affectives de l’autre ».
C’est le désir mimétique, de là toute l’importance de vivre cette expérience individuelle au sein d’un petit groupe qui par la relation humaine est le reflet d’une mini-société.
En effet, le bébé, l’enfant est une personne qui a la vocation d’être :
« un être social » qui a des émotions et qui a besoin de partager avec son environnement. Il a besoin d’avoir des informations pour éveiller tous les systèmes visuels, auditifs, attentionnels, langage, mais donc également émotionnels.
Ce partage est échange et va évoluer dans le temps en s’enrichissant, en se complexifiant. Son monde psychique s’élabore.
Comme nous avons pu le voir dans la vidéo, la découverte personnelle est enrichie par l’expérience de ses autres compagnons.
L’imitation, l’activité, la motivation, le désir et l’interaction sociale crée un espace essentiel dans lequel l’enfant évolue, joue, s’initie de façon de plus en plus épanouissante, tant du point de vue moteur, que du point de vue social et émotionnel.
En effet, une des notions essentielles du groupe est son rôle de « miroir » grâce aux rapports interhumains qu’il crée.
J’en profite pour introduire cette donnée essentielle et récente : l’importance des neurones miroirs, révélée par l’équipe de Giacomo Rizzoletti.
En effet, les neurones miroirs sont supposés jouer un rôle dans les capacités cognitives, et sont promoteurs du langage.
« Un enfant seul, si on ne lui parle pas, ne parlera pas.
S’il n’y a pas un autre – Pas de Parole – car l’enfant est stimulé par la mimique des mots qu’il perçoit sur le visage » Boris Cyrulnik
Et vous pouvez observer cette interaction par la parole comme avec Louis qui désirait jouer avec le bus, et avec tout enfant tout au long de la séance.
Je rappelle ce moment avec Charles Henri qui essaie d’imiter les mouvements de mes lèvres dans le «Pif et Paf ».
Pour les enfants plus âgés à partir de 5-6 ans, pendant le temps où ils cheminent ensemble nous voyons apparaître les notions d’entraide, de complicité, de camaraderie, d’encouragement et en faire « un moment de vie » qui s’inscrit dans son ressenti, dans son vécu.
Ceci amène à l’expérience du « corps qu’on a », mais également à l’expérience du « corps qu’on est », car c’est l’éveil à la vie.
Voici quelques lignes extraites de la monographie écrite par le Dr Ann de Braconnier – d’Alcantara
« Il s’agit d’un travail répétitif dont chaque geste a sa place, son sens, son rythme. La séquence des mouvements fait reparcourir à l’enfant l’évolution des espèces et le dépose au seuil d’une invitation à investir son existence en tant que petit homme, sujet d’une histoire à venir, relié au monde et aux vivants.
Chaque geste est une métaphore tout en ayant été construit pour sa valeur physiologique et neuropsychique. L’enfant, lentement, prend conscience qu’il existe, séparé et unique, incarné et relié ».
Nous avons commencé avec les bébés de 0 à 2 ans, pour parler ensuite des enfants de 2 à 4 – 5 ans et à présent, nous abordons la rééducation psychosomatognosique avec les enfants de 5 jusqu’à 9 – 10 ans et toujours ce même fil rouge : la place de la neuroplasticité dans cette approche thérapeutique.
Avant nous suivions les enfants jusqu’à 12 – 13 ans et c’était tout à fait intéressant, car, dès la première rencontre, nous leur expliquions ce en quoi consistait leur travail et nous leur demandions s’ils étaient prêts à s’y engager. Cette implication, cet engagement immédiat ouvrait à une motivation et un désir indispensable avec des jeunes de cet âge-là. Si nous avons arrêté, c’est tout simplement parce que j’ai souhaité travailler une heure de moins et c’est ce cours-là qui a disparu.
Mais revenons au développement psychomoteur dont nous avons ébauché le sujet il y a quelques minutes avec les enfants de 2 à 4 – 5 ans.
Dès l’âge de 5 ans, nous introduisons une gamme de 12 exercices qui sont reliés entre eux par une logique interne et que l’enfant va progressivement mémoriser en se repérant
- sur les doigts
- en suivant les dessins sur les deux panneaux
- en voyant une suite d’objets qui représentent les différents exercices
À 5 ans les enfants iront toucher les objets, les dessins et feront en même temps le lien sur leurs doigts.
À chaque exercice l’enfant, tout en nous regardant, va nous demander « qu’est-ce que je peux faire ? »
Et il sera attentif à notre question et nous donnera la réponse avant de réaliser l’exercice si la réponse, bien sûr, est correcte.
Ces exercices comprennent à la fois et en même temps plusieurs composantes :
L’activité motrice, la coordination, le schéma corporel, le rythme dans l’exécution correcte de l’exercice, ceci dans un espace déterminé, tout en respectant l’espace de ses autres compagnons (passer à côté, derrière lui, attendre, etc.) sans oublier l’attention, la mémorisation et la verbalisation qui également sont sollicitées à chaque fois.
Au fur et à mesure, tout en tenant compte de l’âge et des progrès de l’enfant, les questions deviendront de plus en plus complexes. Je vous en donne quelques exemples :
- avant le 5ème, après le 7ème
- en passer un en partant du premier
- en passant deux en partant du dernier
- avant l’avant dernier que tu as fait
- après l’avant-dernier que tu as fait
- retenir le 1er, 2ème, 3ème et 4ème exercice réalisé et puis trouver celui qui vient après le 1er, le 2ème et avant le 3ème et le 4ème
Belle gymnastique de l’esprit pour l’enfant, mais également pour nous-mêmes, car parfois nous suivons deux enfants en même temps.
Je pense qu’il est facile de voir à quel point à nouveau, tous les systèmes visuels, auditifs, langage sont sollicités, mais également le système émotionnel.
En effet, je reviens au sujet d’aujourd’hui :
« J’ai peur de ne pas être à la hauteur » ainsi qu’à tous les enfants qui sont dans le déni d’eux-mêmes, dans le sabotage, qui se disent nuls, que jamais ils ne pourront retenir tout cela… nous les accompagnons dans les processus de mémorisation avec confiance et patience et, petit à petit, l’enfant découvre que « oui, il peut retenir, tout retenir ». Et à ce moment-là nous disons à l’enfant :
- Alors, tu as tout pu retenir
- oui
- Tu es content
- Oui
- Grâce à qui
- la réponse bien sûr immédiate : grâce à Anne ou à Madame Block.
- Et la nous lui disons, non, non, grâce à qui ?
- Après un moment où on voit l’enfant chercher et donner d’autres réponses, il finira par reconnaître que c’est « grâce à lui »
Ceci sera un encouragement certain pour d’autres progrès dans l’immédiat…
Rappelons-nous cette phrase que je vous avais citée tout à l’heure « Change ton Regard et la Vie jaillira ».
Il est certes bon de pouvoir changer le regard que nous portons à l’enfant, mais il est tout aussi précieux que l’enfant puisse changer son regard sur lui-même.
Car c’est l’éveil des sensations vécues par le corps, les pensées, les sentiments, les émotions que la vie intérieure de l’enfant prend un sens et qu’il entre dans une nouvelle dynamique de vie.
Conclusion
Dans cette conception thérapeutique, j’ai souhaité vous amener à découvrir l’importance que nous accordons à la Neuroplasticité, au Groupe, à l’atmosphère d’une séance, mais également au fait d’être toujours présentes à deux thérapeutes.
Cette présence est confiance, patience, constance, respect, rigueur, autorité, attention bienveillante, compassion…
Mais qui pourrait mieux traduire ce qui nous anime, Anne et moi-même, dans ce beau travail avec les enfants, que ces quelques lignes de Sœur Emmanuelle extraites du livre « Mon Testament Spirituel ». Elle écrit
« La meilleure manière d’enrichir l’autre est de l’aider à découvrir ses trésors cachés qu’il ignore.
Nous sommes riches de richesses inouïes.
Étymologiquement le mot « éducation » signifie « extraire ».
Il s’agit en effet d’éclore ce que l’enfant ou le jeune adulte ont de meilleur, en leur permettant d’exprimer toute la beauté de leur personnalité…
La seule mission des adultes est d’aider les jeunes à accoucher d’eux-mêmes. C’est cela l’éducation.
J’ai tenté – dit-elle – de rendre les autres riches d’une richesse inestimable, la richesse de leur propre humanité, car en les enrichissant, ils m’ont, en retour, enrichie ».
Je vous remercie pour votre attention.