Commentaires
Marcelle Procus a apporté à notre communauté soignante et scientifique une méthode de stimulation et d'éveil destinée d'abord aux enfants jeunes en difficulté développementale, qui est très riche : elle favorise, non seulement la mise en place d'une « maturité psychomotrice dans la joie » mais, plus radicalement, elle favorise la confiance en soi, le désir de vivre et de s'affirmer, et la prise de conscience de l'identité.
Mais plus encore que cet apport clinique, riche et original, c'est le témoignage de vie que je retiens : enthousiasme pour la cause des enfants, foi en eux, dévouement... confiance tranquille en soi, dans la valeur de ce qu'on apporte aux autres... respect de l'enfant, mais respect aussi de l'ordre social dans lequel il doit grandir... structure, rigueur, exigence, non-démission, non-approximation : tels sont les « maîtres mots » qui traduisent - bien mal - ce par quoi Marcelle Procus m'a impressionné.
Puisse donc son apport thérapeutique et son témoignage de vie marquer longtemps nos mémoires, et nous inviter, nous aussi, à l'enthousiasme et à la rigueur.
Pr Jean-Yves Hayez
Marcelle Procus reste parmi nous à travers sa vision de l'enfant et de son développement. Elle a incarné cette idée pendant toute sa vie professionnelle, en prenant en charge et en amour « les centaines et milliers de nos petits patients ».
Elle a réussi le processus de restitution de l'enfant à son corps. Ceci lui permet d'avoir un comportement conscient et contrôlé au même titre qu'une pensée cohérente. Ainsi il intègre son identité.
Cette « mise en corps » s'opérait en compagnie d'autres enfants, lui conférant simultanément une dimension de partenariat, de relation sociale.
Une pensée originale, et une pratique cohérente bien en avance, mais aussi en accord avec les ouvertures récentes de la neurophysiologie moderne qui mettent en exergue les données concernant le développement et l'importance de la plasticité cérébrale.
Qu'elle soit remerciée en mon nom propre et au nom de mes petits patients pour leur avoir facilité leur entrée dans le monde personnel, familial et scolaire. Ce sont maintenant des adultes qui se souviennent, et je partage avec eux ma profonde gratitude.
Dr Sophie Kulakowski
Entre collègues, nous l'appelions familièrement « Procus ». Elle était la providence des petits handicapés légers et lourds que nous essayions de sauver du naufrage scolaire et de l'exclusion sociale. Et elle faisait des miracles, parfois en bousculant un peu les parents ; mais qu’importe, le résultat était là : en trente à soixante séances, elle redonnait leurs chances aux retardés moteurs, psychomoteurs et aux « dys- » de tous genres.
Elle avait sa méthode, qu'elle avait peaufinée au long d'années de pratique exigeante, prenant éclectiquement tout le bon (jusqu'aux USA), y ajoutant les touches de son génie personnel, fait d'intelligence et de coeur, et d'une connaissance approfondie du développement de l'enfant, avec le souci constant de suivre ce développement, imposant rythme et successions strictes pour frayer des chemins nouveaux là où des lésions barraient le passage puisant dans son amour des enfants un courage, une obstination, une inventivité à nulle autre pareille - n'a-t-elle pas fait venir une danseuse étoile des Ballets du XXe siècle (et par la suite professeur des "Petits Rats") pour enseigner la danse à ses petits patients !
Etonnante Marcelle Procus, que nous n'avons pas fini d'admirer et de regretter ! En reconnaissance pour tout ce qu'elle nous a transmis, à moi et à tant d'autres.
Dr Denise Desmedt
La vie est parsemée de « rencontres ». Certaines sont opérantes, déterminantes, au sens mathématique des termes, c'est-à-dire que rencontres faites, leurs effets réapparaissent dans la synchronicité du fil des événements de l'existence.
Ainsi fut la rencontre de Marcelle Procus tant dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle.
Fraîchement reconnue pédopsychiatre, les petits patients que je recevais suscitaient souvent un douloureux embarras. Ayant confié à Denise Desmedt l'impasse dans laquelle je me trouvais à propos d'un petit garçon distrait, absent, maladroit, anxieux et malheureux, celle-ci me conseilla vivement de le présenter à Marcelle Procus.
C'est ainsi que, dossier sous le bras, je fis sa connaissance ainsi que celle de Michèle Block, à l'époque son adjointe. Il m'est impossible de les séparer dans mon souvenir tant leur « présence » à chacune était intense, unique et indispensable. Bien sûr il était clair que Marcelle Procus avait été pionnière et gardait le leadership, mais depuis longtemps déjà elles faisaient équipe au vrai sens du terme, s'enrichissant l'une l'autre et partageant leurs découvertes réciproques.
Au fil des rencontres, des passages de jeunes patients, des avis échangés, des séminaires, conférences et journées d'étude, j'appris à connaître leur oeuvre commune. Oeuvre précise, rigoureuse, faite d'une infinie patience, d'une indéfectible fermeté, d'une attention soutenue de chaque instant.
Le ton manié par les thérapeutes est un message qui n'échappe pas à l'enfant. Ferme, encourageant et affectueux, il lève le malaise d'une contenance perdue.
Il s'agit d'un travail répétitif dont chaque geste a sa place, son sens, son rythme. La séquence des mouvements fait reparcourir à l'enfant l'évolution des espèces et le dépose au seuil d'une invitation à investir son existence en tant que petit d'homme, sujet d'une histoire à venir, relié au monde et aux vivants.
Chaque geste est une métaphore tout en ayant été construit pour sa valeur physiologique et neuro-psychique. L'enfant, lentement, prend conscience qu'il existe, séparé et unique, incarné et relié.
A votre souvenir. Madame, mes très respectueux hommages.
A votre oeuvre. Mesdames, ma très sincère admiration.
A votre très précieuse collaboration passée et présente. Mesdames, mes très chaleureux remerciements.
Dr Ann de Braconier - d'Alcantara
Marcelle Procus fut un maître, fondateur d'une approche kinésithérapeutique originale, une main de fer dans un gant de velours.
Main de fer, car il n'est pas question défaire un faux pas, de lui échapper, de faire fi de ce qu'elle « induit » pour reprendre un mot qui lui est cher dans son travail de rééducation psychomotrice, à savoir, l'« induction »... Mais gant de velours, car si tout cela est conduit avec fermeté, il y a aussi beaucoup de douceur, de chaleur et un art de se mettre là où se trouve l'enfant en difficulté.
Main de fer peut-être pour les parents qui, au début du traitement de leur enfant, ne comprennent pas toujours les limites qui leur sont données, la rigueur imposée par la prise en charge... Gant de velours sûrement pour tous les enfants qu'elle a connus et pour qui elle s'est donnée corps et âme.
Et ici, je vous livrerais avec plaisir l'anecdote suivante. C'était au début de l'année 1970. Marcelle Procus était venue rendre visite à Feux-Follets, hôpital pédopsychiatrique, et avait d'emblée réussi à avoir autour d'elle tout le groupe d'enfants - qu'ils soient autistes ou psychotiques - qui l'attendaient pour partager l'après-midi et le repas. « Voyez-vous, les enfants, leur avait-elle adressé en virevoltant, pour venir vous voir aujourd'hui j'ai voulu me faire belle, et je suis donc allée chez le coiffeur. » Comme me l'a toujours raconté Claude Dieu, responsable de l'institution, ce n'était bien sûr pas seulement ses cheveux qui étaient soignés, mais son regard, sa voix, l'aura qu'elle dégageait, bref, « sa dimension thérapeutique personnelle ».
Maître Marcelle Procus, disais-je en commençant..., maître qui a pu former un disciple, dirais-je en terminant. Et ce disciple n'est autre que Michèle Block qui, par humilité ou par respect, s'est longtemps appelée « assistante », mais qui est, elle aussi, depuis bien des années, passée maître en la matière, et qui continue à aider tant d'enfants qui arrivent parfois tellement en souffrance et repartent presque toujours avec un acquis pour la vie.
Dr Muriel Meynckens-Fourez