La rééducation psychosoma-tognosique
A la rencontre de la méthode de Marcelle Procus
Muriel Claeys Bouuaert
Extrait de son mémoire présenté à la Haute Ecole P-H. Spaak Institut d'enseignement supérieur paramédical de la Communauté française section kinésithérapie (I.S.E.K.), 1996-1997, pp. 56-59.
(...) Tout au long des séances de rééducation psychomotrice, l'enfant va pouvoir vivre une autre dynamique relationnelle que celle dont il a l'habitude ; l'enfant est pris comme un être à part entière, il est pris au sérieux, on lui fait confiance, on lui explique les choses telles qu'elles sont comme à tout enfant qui peut comprendre ce qui lui est demandé, ce qu'on attend de lui. Cette atmosphère d'échange de vérité va faire petit à petit prendre conscience à l'enfant qu'il y a d'autres façons de se comporter qui sont beaucoup plus valorisantes et constructives pour lui que ce qu'il a toujours connu. Il prend conscience de son être, de son existence et de sa valeur.
Dès la première séance, les thérapeutes peuvent observer un résultat. Parfois il suffit d'une seule séance pour qu'il y ait un véritable changement au niveau du comportement de l'enfant. Ce changement ne sera pas définitif et pourra même régresser. La rééducation consistera alors à stabiliser l'enfant dans un nouveau comportement qui lui permettra de s'adapter aux différentes circonstances qui se présenteront à lui.
L'attention, la confiance et la disponibilité des thérapeutes permettront d'éclore le potentiel de vie existant chez l'enfant. Petit à petit, il découvre la joie et la fierté de se réunir ce qui va le motiver à continuer son évolution. Pour que ce but soit atteint, il faut que les thérapeutes croient réellement en l'enfant, en ses possibilités, en son avenir. (...)
Le local du traitement est toujours identique. La pièce, qui se trouve dans l'ancien appartement de Mme Procus, est spacieuse (45 m2), lumineuse, munie de plantes naturelles, peuplée de sujets en peluches et remplie de jeux amusants, constructifs et instructifs. Tout cela se trouve dans un ordre impeccable. Il y a également un divan où sont massés les enfants, deux petites tables-meubles où les enfants se déshabillent et rangent leurs vêtements, trois tabourets roulants appelés « petites autos », un tourne-disque, un miroir où l'enfant peut s'observer, quatre sièges mous de type « bean-bags », un tableau et encore bien d'autres objets qui viennent prendre leur place dans ce « lieu de vie » où règne une atmosphère de travail, de paix, de plaisir, de rigueur et de dialogue. (...)
Tout au long de la leçon, restent présentes deux thérapeutes dont la formation de base est la kinésithérapie.
« Les deux thérapeutes suivent ensemble les mêmes enfants pendant toute la durée de leur traitement et chacune d'entre elles accomplit son travail en toute spontanéité, de façon simple et naturelle, selon le moment de la leçon. » (M. Procus, M. Block 1988)
Les thérapeutes soignent leur tenue, tant au niveau vestimentaire qu'au niveau du maintien corporel et du langage. Ainsi, l'enfant, inconsciemment inspiré par ce qui l'entoure, aura plus facile à rentrer dans l'ordre des choses.
Les deux thérapeutes s'occupent ensemble de tous les enfants. Elles adoptent la même attitude avec chacun d'entre eux ; tous bénéficient de la même disponibilité, du même respect, de la même écoute et du même engagement. Le thérapeute n'est pas là pour séduire l'enfant et se faire plaisir, mais bien pour aider l'enfant à s'épanouir et à poursuivre son chemin. Un trop grand attachement entre le thérapeute et l'enfant irait à l'encontre de cette évolution. Pour permettre une relative neutralité de rapport entre les thérapeutes et les enfants, les thérapeutes vont d'une part se relayer régulièrement entre elles par rapport à l'un ou l'autre enfant et d'autre part, elles vont limiter toutes tendances à une trop grande familiarité. En effet, plus le thérapeute laisse s'installer une certaine proximité, plus l'enfant va tenter de le manipuler. Le thérapeute doit donc rester juste, rigoureux et impartial tout en étant aussi chaleureux et ouvert à l'écoute et au dialogue.
Le thérapeute voit et communique avec l'enfant comme avec une personne à part entière. Il y a une relation de confiance et de respect qui doit s'installer entre le thérapeute et l'enfant. Si l'enfant ne ressent pas que le thérapeute croit réellement en lui, en ses capacités et en sa valeur, la rééducation ira vers l'échec.
La communication a un rôle primordial dans ce travail. Elle se fait dans le respect et l'écoute de l'autre. Le ton de la voix du thérapeute est également très important. Même au-delà des mots, c'est toute l'attitude et l'intonation de la voix qui communique un climat à la fois de douceur et de fermeté. Le dialogue va peu à peu rendre l'enfant conscient de son identité et va progressivement le responsabiliser dans ses actions.
Dès la première séance, l'enfant doit être mis dans une situation de réussite. Le thérapeute veillera donc, lors de chaque exercice proposé, à amener l'enfant à un stade où il peut comprendre qu'il est capable de réussir quelque chose et de progresser.
Les thérapeutes remarquent l'effort et le progrès et n'hésitent pas à féliciter l'enfant.
Si les thérapeutes s'attachent à encourager l'enfant à progresser, elles n'ont toutefois aucune « attente » particulière quant au progrès qu'il doit réaliser. Ainsi l'enfant peut apprendre à son rythme, sans aucune pression.
Il faut remarquer que la rééducation psychosomatognosique de Mme Procus ne fixe pas de limite de temps. La thérapie est toujours engagée pour un temps indéterminé. C'est le progrès de l'enfant qui sera un des facteurs de la fin du travail. (...)
Tout au long de la séance, la discipline et le respect sont de rigueur, dans une atmosphère gaie et pleine d'enthousiasme.
Les thérapeutes mènent la leçon de façon organisée et structurée tout en restant patientes, attentives et indulgentes face aux expressions de vie et de spontanéité. (...)
Dans le calme et le dialogue, le thérapeute aide ainsi l'enfant à prendre conscience de chacun de ses actes et à en assumer la responsabilité.
Outre la rigueur et la précision du travail, il ne faut pas oublier qu'une grande place reste disponible pour la spontanéité, l'humour et la communication. Le tout s'entremêle pour former une ambiance agréable et humaine. Les enfants se montrent en général motivés pour venir prendre ce « bain de vie ». (...)
Le dialogue entre l'enfant et le thérapeute est continu. Il peut être verbal ou non verbal : regards, gestes, mimiques, silences, etc.
Il sollicite, de la part du thérapeute, une attention soutenue et un investissement total de sa personne, car tout signe de la part de l'enfant (un simple regard, un mouvement de tête, un sourire, une grimace,...) nécessite une réponse. Il faut que l'enfant ressente qu'il est écouté et qu'on lui laisse l'espace de s'exprimer, d'exister.
Toute forme de spontanéité est autorisée. S'il y a débordement, les thérapeutes ramènent l'enfant à ce qu'il est en train de faire.
II faut qu'il comprenne qu'il y a un temps pour toute chose et que certains moments demandent une attention différente que celle de la conversation. Ainsi, la notion de limite, à nouveau clairement établie, élimine la dissipation et la distraction de l'enfant.
Tout au long de la leçon, l'enfant est sollicité à verbaliser ; il est amené à dire « bonjour Madame » en arrivant ; s'il a besoin d'aide pour se déshabiller ou pour aller aux toilettes, il est invité à en faire la demande, etc.
A tout instant les thérapeutes cherchent à aider l'enfant à mettre des mots sur ce qu'il fait, tout en tenant compte de son évolution. Tout est progressif et en fonction des difficultés individuelles.
Dans la mesure des possibilités de chacun, le thérapeute reprend également l'enfant sur la prononciation des mots ainsi que sur les fautes grammaticales. Une verbalisation correcte fait partie des notions nécessaires pour évoluer dans le développement psychomoteur de l'enfant et arriver à l'épanouissement. (...)