Conception clinique du traitement des troubles psycho-somatognosiques

M. Procus, M. Block

Publié in Neuropsychiatrie de l'Enfance, 1988, n° 36 (4), pp. 139-145.

Résumé

Voici les points essentiels dans notre conception clinique de rééducation psycho-somatognosique :

1) De travailler avec un groupe de 4 à 5 enfants ne présentant pas une même symptomatologie. Ils viennent deux fois une heure par semaine pour une durée de traitement de 3 à 6 mois par enfant. Ce groupe se renouvelle de façon permanente et chaque enfant y vient pour une raison différente, se trouve à un stade différent dans l'évolution de son traitement et arrive avec un vécu différent.

2) D'être toujours présentes à deux thérapeutes, dont la formation de base est la kinésithérapie, ce à chaque séance et pour chaque groupe.

3) Le massage du corps entier nous parait très important, en effet grâce aux sensations tactiles, l'enfant connaîtra progressivement les limites de son corps et pourra élaborer son schéma corporel.

4) Donner tout de suite l'envie à l'enfant de se prendre en charge, de grandir, d'être responsable, de bien travailler, et ceci dans la joie et grâce à son corps. C'est par la conquête du mouvement intentionnel et grâce à son corps vécu qu'il arrivera petit à petit à se dominer et ceci entraînera à la longue une meilleure utilisation de la mémoire, du raisonnement et du langage.

5) Par cet apprentissage somato-gnosique et praxique on constate une amélioration notable des résultats scolaires. C'est par le biais de l'intégration et en tenant compte de la maturation cérébrale que chaque enfant, par sa participation active et sa motivation, réalise petit à petit et tout au long de sa rééducation son épanouissement de plus en plus harmonieux par la cohésion entre le corps et l'esprit.

Mots-clés : dialogue - responsabilité - joie - respect - corps conscient.

La longue expérience des enfants et en particulier la méthode originale d'éducation du jeune enfant IMC de six mois à cinq ans (Procus, 1980) basée sur le dynamisme de la maturation cérébrale nous a permis de concevoir le potentiel énorme que possède tout enfant à dépasser son handicap par la répétition consciente du geste induit.

L'effort et l'attention soutenus, demandés au bébé ou jeune enfant, mais également notre motivation, notre stimulation, notre confiance en ses progrès, lui permettent d'assimiler ses nouveaux acquis de façon vécue. Le plaisir qu'il en retire lui donne l'envie de les revivre spontanément et de les intégrer dans ses activités journalières. Cette conception initiale et fondamentale nous a conduits de façon naturelle, par un cheminement normal, mais ressenti comme un merveilleux aboutissement, à mieux cerner le traitement de tous les autres enfants présentant des troubles psycho-somatognosiques et surtout à pouvoir prendre en charge thérapeutique des enfants pré-psychotiques et psychotiques.

Mais nous allons nous limiter exclusivement au traitement des enfants présentant des troubles psycho-somagnostiques et praxiques.

Ceci est le fruit d'un travail et d'une réflexion de plus de vingt ans d'expérience avec les enfants.

Citons-en les points fondamentaux :

- Premier point : nous sommes deux thérapeutes dont la formation de base est la kinésithérapie et prenons en charge, ensemble, les mêmes enfants. Ceci pendant toute la durée du traitement dans un local toujours identique, pour une séance d'une heure, qui se déroule à des jours fixes et à des heures régulières, sans la présence des parents. Chacune d'entre nous accomplit son travail en toute spontanéité, de façon simple et naturelle selon le moment de la leçon.

- Deuxième point : travailler avec un groupe de 4 à 5 enfants qui ne présentent pas une même Symptomatologie, ce pour une durée de traitement compris entre 3 à 6 mois par enfant. Il s'agit d'un groupe qui se renouvelle de façon permanente par l'arrivée de nouveaux et le départ d'anciens en fin de cure. Chaque enfant vient pour une raison différente, se trouve à un stade différent dans l'évolution de son traitement et arrive avec un vécu différent.

- Troisième point : l'importance que nous accordons au massage du corps entier, qui est une des clés de la remise dans le corps, car il se situe au niveau du senti et du ressenti de l'enfant.

- Quatrième point : donner tout de suite à l'enfant l'envie de se prendre en main, en charge, de grandir, d'être responsable, de bien travailler, et ceci dans la joie et grâce à son corps conscient. C'est par la conquête du mouvement intentionnel qu'il arrivera petit à petit à se dominer.

Rappelons ici la phrase de Zorba le Grec. Zorba demande à l'ingénieur : « Qu'as-tu appris dans tes livres ? » Comme l'ingénieur ne répondait pas, Zorba lui dit : « Tu dois apprendre à Vivre ». Et cette notion de « Primum Vivere » sous-tend toute la rééducation de chaque enfant à chaque instant.

- Cinquième point : l'enfant, dès les premiers moments, est confronté avec l'ensemble des notions qu'il devra progressivement assimiler, quel que soit son âge - en dessous de 12,13 ans en tout cas -, qu'il soit scolarisé ou pas encore, qu'il soit dans l'enseignement normal ou spécial.

- Enfin, un dernier point essentiel est que chaque enfant au sein d'un groupe évolue et réalise son propre cheminement par l'activité consciente et la richesse sans cesse renouvelée des informations somatognosiques. Il est probable que le maniement par l'enfant de l'ensemble de ses afférences conduit progressivement à une meilleure intégration du système nerveux dans son ensemble.

Lorsqu'un enfant nous arrive, il a été examiné au préalable par un médecin soit pédiatre, neuropédiatre ou pédopsychiatre, qui en a fait tous les examens et tests. Nous savons que l'enfant vient pour des troubles psychomoteurs plus ou moins importants, mais bien souvent et volontairement, nous ne connaissons ni son anamnèse complète, ni la complexité des problèmes au sein de la famille. Nous recevons un enfant qui a des difficultés momentanées et non un cas.

Nous ne faisons donc jamais de tests à un enfant et, à la première séance, dès que son inscription est terminée, il rentre dans la salle avec les autres enfants de son groupe pour commencer tout de suite sa leçon de psychomotricité.

Le critère d'introduire un enfant dans un groupe déterminé dépend de son âge et de son niveau scolaire. Le nouveau contacte les anciens et les anciens côtoient les nouveaux qui sont arrivés tout au long de leur cure. Et il est certes réconfortant et même réjouissant de voir à quel point les plus anciens, c'est-à-dire ceux qui arrivent à la fin de leur traitement, font preuve de gentillesse et d'encouragement pour le nouveau. Ils racontent leurs premiers pas, qui leur ont également semblé difficiles, mais, maintenant, ils sont bien contents de leurs progrès. Qu'il s'agisse d'un enfant qui présente des troubles du raisonnement, qu'il soit hyperkinétique, timide, agressif, dissipé ou qu'il présente un retard de langage, etc., nous partons de l'enfant tel qu'il est, avec ses difficultés, ses limites, mais également ses richesses, occultées par le symptôme. Et si à la première séance son comportement est difficile, par exemple, s'il se met à pleurer, à crier, à ne plus vouloir lâcher sa mère, à se jeter par terre, à donner des coups de pied - ce qui heureusement ne se présente pas tous les jours ! -, nous ne serons ni angoissées ni énervées à l'idée qu'il pourrait perturber ses autres compagnons. C'est à nous de réussir son entrée et sa présence dans le groupe par notre participation attentive, mais aussi par la collaboration active des autres enfants.

Ceci permet d'illustrer la dynamique qui surgit par le groupe, grâce à la diversité des individualités qui en font une mini-société, mais également grâce à la force et à la richesse qui découlent de toute relation humaine.

« Le plus court chemin de moi à moi-même passe toujours par autrui. » (Habachi)

Tout de suite, l'enfant plongé dans un « lieu de vie » a la perception d'une atmosphère de travail diffusément communiquée dans la paix, le calme, la joie, la rigueur et le dialogue. Il a la conception que, grâce à nos encouragements pour sa motivation à se transformer, à bien faire, il pourra à chaque fois progresser. Ce qui importe dans la rééducation psychomotrice d'un enfant est la simple histoire de son évolution pendant sa cure et non celle qui commence depuis sa naissance jusqu'à son arrivée avec tous les tenants et aboutissants des parents et enseignants. Et l'évolution de cette cure dépendra des propres acquisitions neurologiques et psychologiques de l'enfant grâce :

— Au bain de mouvements qui comprend tous les exercices intentionnels, ordonnés, structurés et conscientisés qu'il exécutera au cours de sa leçon ;

— Au bain de communications. Ceci par la parole, mais pas de n'importe quels mots. Tout ce qui se dit comporte un sens précis, a une portée et reste dans la réalité.

Mais également par la voix, par les silences, par les mimiques, par le regard, par le geste, par la main lors du massage et par le corps qui bouge.

Ainsi, nous pourrons dire que la relation entre nous-mêmes et les enfants est un véritable dialogue non interrompu avec chacun, empreint de simplicité, de réalité, de vérité et de bon sens dont les enfants prennent conscience petit à petit. Nous tenons compte de l'importance de chaque mot, de chaque geste de l'enfant. Il ne faut pas sous-estimer les paroles échangées parfois même de façon anodine et dont l'enfant, bien après des leçons, nous en rappellera le souvenir ou l'importance qu'elles ont eues pour lui. Rien ne peut être dit au hasard et tous les enfants doivent être pris au sérieux, car, tout petits, ils disent la vérité. Si on les trompe ou si on ne les écoute pas, ils finissent par se désintéresser de la réalité et, sur le plan de l'observation, ces enfants sont les distraits, les dissipés...

Comment se passe une leçon ?

Dès que les enfants franchissent le seuil de la porte, ils sont accueillis et le traitement commence, car, à ce moment, ils doivent chacun à leur arrivée donner la main (premier geste volontaire), regarder la personne (second geste oculomoteur) et dire « Bonjour Madame » (la parole) en donnant la main droite (troisième geste avec notion de latéralité).

Ici, nous pouvons ouvrir une parenthèse. Le fait de dire bonjour au début de chaque leçon et au revoir en fin de leçon par chaque enfant lui permet de prendre conscience qu'il est réellement sujet. Ainsi, immédiatement, il est concerné et respecté en tant qu'une « personne ». C'est également gentil et poli et ce sera pour plus tard une facilité dans l'acquisition de son identité et de sa latéralité.

Fermons la parenthèse.

Les enfants entrent dans la salle et se déshabillent, chacun à la place qu'il désire, à côté du compagnon de son choix. Pendant qu'ils se déshabillent, les uns et les autres racontent les faits de la journée qui leur tiennent à cœur. Nous les écoutons, répondons à leurs questions éventuelles avec à-propos, réalisme et bon sens. Dans ce même temps, nous leur apprenons à se déshabiller rapidement, correctement, avec méthode et adresse et à bien ranger leurs vêtements. Disons que les mots employés seront redits à chaque leçon au même enfant, aussi longtemps qu'il n'aura pas acquis un bon automatisme dans ses gestes simples.

Nous accordons une grande importance au déshabillage et au rhabillage, car ils permettent à l'enfant :

- D'élaborer par une première approche, son schéma corporel ;

- D'acquérir de façon vécue des notions d'espace et de temps lors de cette activité ;

- D'aboutir à la joie de l'autonomie ;

- D'entraîner sa fine motricité ;

- Et enfin d'avoir de l'ordre et le respect de tout ce qui lui appartient.

Lorsqu'un enfant est prêt, il est

- Soit massé par l'une ou l'autre de façon tout à fait spontanée variant par conséquent d'une leçon à l'autre ;

- Soit il commence les exercices d'un programme qu'il devra mémoriser grâce à un raisonnement logique intrinsèque et dont il devra répéter, énoncer selon ses possibilités chaque exercice à chaque leçon, et nous lui répondrons l'une ou l'autre par oui ou par non avant de l'entamer.

Ces exercices, qui sont le support de la leçon, sont ordonnés, structurés au niveau du corps et intégrés dans l'espace et le temps.

Donnons un exemple : la « marche du canard ».

Nous ne montrons jamais, même pas à la première fois, comment se fait l'exercice, mais bien sûr, l'enfant voit les autres enfants de son groupe qui l'accomplissent. Nous ne faisons pas l'exercice avec l'enfant, sauf s'il est très jeune ou a de grandes difficultés au niveau moteur. Nos explications doivent être suffisamment claires et précises pour lui permettre de le comprendre et de le réaliser. Nous lui demandons de se mettre en accroupi. Bien entendu, tous les enfants ne savent pas nécessairement ce que « accroupi » signifie. Aussi, nous lui dirons de plier les jambes, de se faire tout petit, avec les deux pieds posés à plat par terre.

On lui demandera de :

- Montrer ses pieds,

- « Combien en as-tu », « compte 2 », quand il est capable,

- De montrer, de toucher la partie avant du pied, comment s'appelle-t-elle, les doigts de pied ou les orteils,

- De montrer l'arrière du pied, de pincer cette partie, comment s'appelle-t-elle : le talon.

Et puis on lui demandera d'avancer un pied puis l'autre en se dandinant d'un pied à l'autre, en maintenant les talons par terre et en mettant les bras tendus en avant avec les doigts des deux mains croisés en vue de la bonne symétrie de l'exercice. Pendant qu'il avance, il doit maintenir la tête bien droite, regarder devant lui et parfois chanter : « Un petit canard au bord de l'eau... »

Chaque enfant avance à son rythme propre jusqu'au bout de la salle, puis il tourne et revient jusque de l'autre côté, son point de départ pour l'exercice suivant.

Nous remarquons tout de suite tous les éléments qui entrent déjà enjeu dans ce premier exercice et il en sera de même pour les suivants : marcher à genoux, courir à 4 pattes, le saut « du lapin », ramper comme un crocodile, etc. Il s'agit réellement d'exercices qui visent à améliorer plusieurs composantes de la vie personnelle et relationnelle de l'enfant : maîtrise de l'espace, sens du rythme, capacité de s'exprimer, de verbaliser, d'utiliser les mots dans une communication et tout cela en même temps.

De plus, par le fait que l'enfant réalise son programme au sein du groupe, mais de façon individuelle et à son propre rythme, l'expérience de l'espace parcouru lui sera tout à fait propre et unique par rapport aux autres, car il est toujours le centre de son environnement.

Pendant l'exécution des exercices, un enfant peut se mettre à raconter un événement qui lui passe par la tête ou qui a un rapport avec ce qu'un enfant massé est en train de raconter. Nous l'écouterons, mais, si c'est trop long, nous lui disons de continuer ses exercices et qu'il racontera la suite pendant son massage ou à la fin de la leçon. Nous n'oublierons jamais au moment prévu d'encourager l'enfant à terminer son histoire. Tout enfant doit réaliser qu'il est écouté, qu'il existe, mais qu'il y a un temps pour toute chose. Nous introduisons clairement la notion de temps et des limites.

Par l'application de ce programme, nous éliminons progressivement toute dissipation et distraction, car, à tout moment, nous pouvons interpeller un enfant. En le nommant, nous lui demandons de nous répondre par exemple :

- Quel exercice fais-tu, quelle partie de ton corps est par terre ?

- Ou bien, quel exercice viens-tu de terminer ?

- Ou encore, s'il ne trouve pas l'exercice qu'il devrait commencer, nous lui demanderons de réfléchir en reprenant le raisonnement logique de la succession de ceux-ci.

- Nous pouvons arrêter l'enfant en cours d'exécution de son programme pour être massé, il devra se souvenir où et à quel exercice il était arrivé.

- Enfin, parfois, nous pouvons demander à un enfant de plus de 6 ans, qui connaît bien son programme, de commencer par le dernier exercice et ainsi de faire le cheminement logique inversé.

Nous observons que l'enchaînement entre les exercices et le massage est susceptible d'être alterné entre eux par suite de facteurs de réalité ou pour créer la surprise.

Car il ne faut pas que la répétition de cette gamme devienne une habitude, un conditionnement, une compétition, mais que ces mouvements décrits par l'enfant soient compris, assimilés, recréés en quelque sorte et visent à un meilleur épanouissement dans sa vie de tous les instants. Si pour une formule mathématique ou physique répétée une fois ou x nombre de fois, la réponse reste toujours identique, pour la répétition de ces exercices, la réalisation sera essentiellement différente et originale à chaque leçon. Cette prise en charge consciente de l'enfant ainsi que nos encouragements lors de tout progrès lui permettent une maturation des fonctions mentales avec une meilleure utilisation de la mémoire, du raisonnement, de la concentration et de la communication.

L'enfant devient plus responsable et capable d'une certaine autonomie.

Parlons à présent, si vous le voulez bien, du massage qui dure une dizaine de minutes par enfant à chaque séance. L'enfant est assis sur le divan, ainsi il peut continuer à participer à tout ce qui se passe autour de lui.

A chaque massage, nous donnerons à l'enfant les mêmes ordres simples d'avancer, de reculer, de se déplacer sur le côté gauche, de se coucher sur le dos et puis sur le ventre. Et, pour beaucoup d'enfants, ce seront les premières notions vécues de leur propre corps en déplacement.

Ce massage lent et profond, avec les mains bien appliquées qui soulèvent la masse musculaire et avec un contact permanent de la paume de la main avec le corps de l'enfant, nous permet d'être en résonnance avec lui. C'est le message au corps de l'enfant.

En effet, pour tous les enfants, mais plus particulièrement pour les enfants au comportement difficile, le premier massage, alors qu'ils restent bien souvent habillés, sera la première communication, le premier dialogue par nos mains qui devront leur procurer un relâchement, une sensation de bien-être et de détente en rompant l'état de tension physique et psychique dans lequel ils se trouvaient. Ces enfants seront alors prêts à vouloir essayer de faire comme les autres, de commencer leur leçon.

La main est action, elle prend contact avec le corps de l'enfant, elle crée à chaque fois, nous pourrions même dire qu'elle pense.

Notre relation avec l'enfant pendant le massage se vit à travers le corps. Le massage permet surtout d'élaborer le schéma corporel ; de plus, nous pourrons demander à l'enfant à brûle-pourpoint : « Dis-moi, quelle partie de ton corps je masse ? »

Rappelons que, pendant le massage, l'enfant raconte spontanément ce que bon lui semble et donne libre cours à ses préoccupations, ses problèmes, ses interrogations, ses angoisses, ses joies ou ses découvertes. Nous l'écoutons avec attention, répondons avec réalisme, mais jamais, et nous insistons sur ce point, jamais nous n'interprétons de façon psychothérapeutique. Nous transmettons éventuellement les renseignements au médecin responsable de l'enfant.

Parlons à présent de ce que les enfants appellent leur « jeu ».

Chez l'enfant, le jeu est une activité spontanée par excellence. Dès que le jeu est éducatif, il cesse d'être spontané et devient un exercice, une application. Aussi, nous parlerons de façon plus exacte de l'application, qui est la mise en pratique, l'expérimentation de toutes les données apprises au cours des leçons et ce dans différents domaines et en même temps : schéma corporel, orientation spatio-temporelle, coordination, logique, mémorisation, fine motricité.

Le but de toute application est de donner la possibilité à chaque enfant de réaliser sur un plan vécu les notions qui, autrement, resteraient sur un plan purement intellectuel.

Les enfants réalisent leur application seuls pendant que nous massons les autres. Nous ne serons jamais à côté de l'enfant lors de l'exécution de son application, mais bien lors de l'explication et de la correction.

Nos conseils et encouragements permettront à l'enfant, par des essais et des tâtonnements, et par la réflexion, de réaliser, de solutionner son problème. Il ne changera d'application que lorsque celle qui est en cours est terminée correctement. L'échec peut être momentané, mais toujours il doit parvenir à la réussite, car l'activité devra tenir compte de son niveau et de ses possibilités. Les enfants apprendront à critiquer ce qui est positif et négatif dans leur réalisation mutuelle.

Signalons enfin que les applications auront une finalité ou une motivation et restent dans la réalité par une reproduction exacte. Néanmoins, quand un thème est proposé aux enfants, comme le dessin d'une des saisons, c'est la richesse de l'imagination qui sera valorisée.

Par la multiplication variée et renouvelée des applications l'enfant pourra découvrir les infinies possibilités d'expérience qui en découlent et peut-être tout simplement trouver la joie de jouer.

C'est en partant d'éléments excessivement simples, et comme lorsqu'on lance un caillou à la surface de l'eau qu'une onde apparaît. Et puis, selon la précision du jet, d'autres ondes surgissent. C'est par le même principe d'acquisitions de plus en plus variées que l'enfant pourra rattraper le retard ou la méconnaissance de ses notions.

Terminons ce chapitre par un point important.

Tous les enfants réalisent leur application en coucher ventral sur le sol. Pourquoi ? Parce que nous accordons une très grande importance à la position de la nuque.

- La nuque conditionne l'attitude de la tête dans l'espace.

- De plus, la nuque joue un rôle dans la composante neurogène du tonus musculaire.

- Enfin, les réactions neurologiques statiques de redressement et d'équilibration s'imbriquent, s'enchaînent, mais commencent toujours par un redressement de la tête.

En mettant les enfants couchés sur le ventre par terre, non seulement nous leur faisons redresser la tête pour accomplir leur application, mais aussi nous entraînons un bon travail des muscles spinaux et du poignet. De plus, ils réalisent la différence entre plan vertical et horizontal.

Ainsi s'achèvent les deux premières parties exécutées de façon tout à fait individuelle, et tout le petit groupe viendra se placer les uns à côté des autres pour participer ensemble à la suite de la leçon.

Cette dernière partie de la leçon commence par des exercices de coordination ou d'équilibre.

Ensuite vient la réalisation d'un exercice abdominal et dorsal comprenant de surcroît des notions de schéma corporel, de latéralité, d'espace, de rythme, variant à chaque leçon. C'est par la diversité et la richesse de ces différents buts réalisés simultanément et en même temps dans un même exercice et repris avec minutie de façon infiniment variée que nous éveillons sans cesse l'intérêt et l'esprit des enfants qui nous sont confiés.

Pour que l'enfant puisse répondre de manière adéquate à la commande, il nous faut employer une consigne claire et précise. De là toute l'importance d'une verbalisation correcte au cours de toute la séance. L'enfant doit également pouvoir expliquer ce qu'il réalise, ceci pour en favoriser la prise de conscience.

Et lorsque les enfants sont assez grands, nous pouvons leur demander de commander à leurs compagnons un des exercices qu'ils viennent d'exécuter. Ils doivent apprendre à se présenter, à parler clairement et donner une commande précise, exacte et correcte qui tienne compte de l'hétérolatéralité.

La leçon se poursuit par l'apprentissage d'un élément des thèmes psychomoteurs de façon à parfaire, enrichir et accroître leurs connaissances. Cette nouvelle notion apprise et vécue sera mise en pratique lors des applications futures.

Nous accordons une importance toute particulière à ces deux thèmes essentiels : Espace et Temps.

La leçon se termine bientôt, mais, au préalable, surtout s'ils ont bien travaillé et si chacun a fourni un effort, il y aura un encouragement à leur motivation par un jeu qui développera encore et toujours leur potentialité.

Ce jeu sera soit individuel :

- Jeu d'adresse, de coordination ;

- Jeu électronique ;

- Jeu de balle, jonglage...

- Un exercice de diadoco-kinésie.

Soit en groupe :

- Par un jeu de société tel que les dominos, le memory, le mikado...

- Par un mime qui est l'expression de l'imagination de l'enfant par la beauté d'un corps qui parle en silence,

- Par de la musique, soit avec les instruments, soit en suivant le rythme d'un disque où les enfants forment un rond, et chacun d'eux pourra à son tour inventer un certain mouvement qui sera reproduit, imité par les autres partenaires. Ceci crée une grande émulation à la recherche du mouvement le plus esthétique ou le plus compliqué.

Ensuite le moment de s'habiller est là et dès qu'ils seront prêts, ils pourront s'asseoir dans un « bean bag » en attendant leur départ. Ils nous disent au revoir et reçoivent une appréciation de leur leçon.

Conclusions

Nous avons essayé de vous faire partager l'ambiance d'une leçon pleine de compréhension, d'écoute, d'ouverture ; une leçon riche en travail et vivante pendant une heure.

Reprenons-en les thèmes essentiels.

1. La répétition des exercices permet à l'enfant par l'expérience de son propre corps en mouvement et par la variété des notions de schéma corporel, de latéralité, de rythme, d'espace et de temps, en même temps, dans un même exercice, de recevoir, assimiler et s'imprégner de toutes ces nouvelles données pour aboutir à ce que l'enfant devienne autonome.

Ce travail employé et décrit tout au long de l'article n'est pas inertie, mais action dynamique, créativité par son renouvellement à chaque fois.

Nous avons également démontré à suffisance l'importance que nous accordons à rendre consciente toute activité de l'enfant, par l'entraînement de la mémoire, de la logique, du raisonnement et de la réflexion.

Ainsi, les nouveaux acquis, l'enfant les engramme, les mémorise et les intègre dans sa « Totalité Corporelle », ce qui entraîne une amélioration notable dans ses résultats scolaires.

2. Au cours de toute la leçon, nous insistons sur la correction de l'exécution de chaque exercice et de chaque application, pour que l'enfant acquière une conscience aiguë quant à ses possibilités de réussite, et ce dans tous les domaines.

Mais ce qui nous semble fondamental dans notre conception de rééducation, c'est que nous situons toujours l'enfant au-delà de ce qu'il croit pouvoir faire. Nous ne sommes jamais dans l'attente d'un progrès, mais nous le provoquons, nous l'induisons pour qu'il prenne conscience qu'il peut plus qu'il ne croit. C'est la confiance mise en lui qui lui permettra de fournir l'effort dans son travail, qui lui donnera le désir de se dépasser. Et lorsqu'il découvre et constate ses nouvelles possibilités, un véritable système boule de neige pourra s'enclencher dans tous les domaines dont découlera le plaisir d'apprendre.

3. Prendre conscience de son être est en conscience employer son outil, son propre corps, tout en connaissant ses propres limites, ses propres possibilités » (Habachi).

Mais, pour aboutir à cette cohésion harmonieuse entre le Corps et l'Esprit, il faut rendre un enfant autonome et responsable. C’est par l'éveil des sensations vécues par le corps, les pensées, les sentiments, les émotions et le respect des valeurs que sa vie intérieure prendra un sens.

Aussi, pour en découvrir le sens, il faut que l'enfant puisse exprimer ses pensées, ses sentiments tout en partageant ceux des autres. La qualité des relations humaines entre un chacun, le respect de la personnalité de chacun et la reconnaissance d'un sujet à part entière, quelles que soient ses difficultés, nous semblent essentiels.

4. Si l'enfant aime travailler dans cette atmosphère de rigueur, d'exigence, mais aussi d'enthousiasme, c'est parce qu'il comprend combien notre désir de le voir changer, s'épanouir, s'améliorer dans tous les domaines est grand. D'autre part, parce qu'il constate que cette rigueur et cette exigence, nous les avons aussi vis-à-vis de nous mêmes par la participation active, par l'impartialité, par la disponibilité, par l'égalité d'humeur et le partage dans le travail.

C'est par le biais de l'intégration et en tenant compte de la maturation cérébrale que chaque enfant, par sa participation active et sa motivation, réalise petit à petit et tout au long de sa rééducation, son épanouissement de plus en plus harmonieux.