Interaction thérapeutique avec le nourrisson en souffrance par le massage et l’induction du mouvement
M. Procus, M. Block
IVe Congrès Mondial de la Psychiatrie du Nourrisson et des Disciplines Alliées, Lugano, 20-24 septembre 1989.
Notre interaction thérapeutique avec le nourrisson se réalise lors :
- De troubles psychopathologiques : dysfonctionnements interactifs précoces, situations à risques pour le nourrisson (anorexie, dépression du nourrisson, syndrome alcoolique, nourrisson de parents drogués ou porteurs du sida) ou apparition de manifestations les plus précoces de l'autisme infantile, de la psychose infantile...
- De lésions neurologiques comprenant l'ensemble des atteintes somatiques telles que la prématurité ou bien une souffrance néo-natale, lors de convulsions, également en cas de paralysie périphérique (paralysie du plexus brachial, torticolis...) ou d'une infirmité motrice cérébrale plus sévère (hémiplégie, paraplégie, quadriplégie et choreathétose). N'oublions pas les maladies génétiques (trisomie, myopathie...) Bien souvent à ces lésions graves sont liées des perturbations psychopathologiques.
- L'intervention peut être préventive lors d'un retard manifeste dans le développement psychomoteur et ce avant que le diagnostic ne soit posé. La précocité dans le traitement permettra de gagner du temps et l'espoir d'une meilleure évolution.
Les enfants nous sont confiés en traitement soit par un pédiatre, un neuropédiatre ou un pédopsychiatre. Le nourrisson est soigné individuellement, soit à domicile ou au centre par un thérapeute (avec la présence d'un des parents s'il le désire), pendant environ 30 minutes. Le choix de l'heure du traitement essaie de répondre le mieux possible au temps d'éveil du bébé. La fréquence des séances préconisée par le médecin responsable est en général de quatre fois par semaine en début de traitement. Plus tard, lorsque l'évolution du nourrisson le permet, elle est ramenée à deux séances par semaine.
Vers l'âge de 18 mois, nous réunissons 3 à 4 enfants au centre pendant une heure à une heure et demie, sans la présence des parents.
Le traitement est réalisé par deux thérapeutes, toujours identiques, dont la formation de base est la kinésithérapie.
Le massage, l'induction du mouvement conscientisé, le développement somatognosique et le jeu sont les différents éléments qui constituent l'interaction thérapeutique avec le nourrisson. L'intérêt supplémentaire d'un groupe est de profiter d'un climat d'interaction sociale, d'imitation, de stimulation dans une atmosphère structurante, chaleureuse et joyeuse.
Nous partons de l'expérience clinique qui montre « qu'un nouveau-né, être actif d'organisation complexe, est capable d'un comportement caractérisé par un haut degré de flexibilité ou de "plasticité", d'où toute l'importance de la précocité de stimulation du corps entier du bébé » (Emde). Notre conception est de considérer le nourrisson comme un partenaire interactif quelle que soit sa pathologie et de construire à partir de ce qui s'exprime déjà un peu comme vie réelle, pour éclore le potentiel d'action, le potentiel de vie chez le nourrisson, personne à part entière, ceci par le massage et l'induction du mouvement motivé.
1. Le massage
Le massage dure une dizaine de minutes. La délicatesse de l'application dépend de l'âge du nourrisson. En effet, plus celui-ci est jeune, plus le toucher du bout des doigts des deux mains est fin et léger. Les lents effleurages et pétrissages tout en finesse respectent le sens physiologique du retour de la circulation au coeur ; ainsi nous commençons par la jambe gauche suivie par le bras gauche, la jambe droite, le bras droit, le ventre dans le sens du péristaltisme intestinal et enfin le dos. Ceci de peau à peau, sans intermédiaire tel que talc ou huile...
Le massage permet une modification du tonus du nourrisson et une amélioration de la circulation superficielle et profonde grâce aux échanges biologiques, hormonaux et chimiques. Mais le massage est surtout l'approche première par le contact permanent de notre main qui nous permet d'être en résonance avec le corps, comme entité en action, du bébé. C'est le premier dialogue avec le corps de l'enfant, il agit au niveau du senti et du ressenti de celui-ci.
La main est action ; elle prend contact avec le corps de l'enfant, elle crée à chaque fois, nous pourrions même dire qu'elle pense.
Par une pression de la main un peu plus ferme ou par des tapotements doux, nous lui ferons sentir où sont ses cuisses, ses bras, ses jambes, ses pieds, sa tête avec les yeux que l'on va lui cacher en disant « coucou », ses oreilles que l'on va tirer avec gentillesse, son nez que l'on va pincer avec douceur, dans le but de favoriser la représentation mentale et sensible du toucher.
Les sensations tactiles ainsi ressenties par le nourrisson, vont lui donner progressivement la possibilité de découvrir les limites de son enveloppe corporelle, même s'il n'est pas unifié, et plus tard peut-être la connaissance d'un corps vécu, d'un corps sensible. Nous pouvons également, lors du massage, introduire des petites comptines, comme la « Petite bête qui monte, qui monte », en pianotant depuis son ventre jusqu'au nez et ainsi nous pourrons peut-être parvenir au sourire, au rire, au fou rire, oh quelle joie ! Ou bien encore l'histoire de « Jean Petit, son papa, sa maman, son frère, sa soeur » en pinçotant chacun des orteils. Notre relation avec l'enfant pendant le massage se vit à travers le langage du corps et nos mains prennent contact avec un corps qui vit, qui bouge et qui exprime. C'est aussi le moment privilégié d'un dialogue non interrompu entre le nourrisson et nous-mêmes par la voix, les silences, le regard, le geste, la mimique et par la main qui masse. Par exemple : « Maintenant je touche ton bras... Tu vois, ça c'est ton bras... je le masse pour que tu te sentes bien... » Si le bébé vocalise, gazouille ou babille, nous l'imitons et nous introduisons d'autres sons pour lui donner l'appétence et l'envie de jouer avec sa voix, de communiquer.
Le massage est un message au corps du bébé dans son respect le plus complet, avec son accord tacite, dont découle son bien-être : il lui procure progressivement une détente physiologique et psychologique.
2. L'induction du mouvement
Cette visée capitale - induire le mouvement, catalyser la création spontanée de celui-ci et renforcer les synthèses, l'achèvement, l'harmonie - doit aboutir le plus rapidement possible à l'acquisition consciente du geste chez le nourrisson quel que soit son âge ou le degré du dysfonctionnement ou d'astructuration neurologique ou psychologique. Nous proposons un ensemble d'exercices chantés mettant tout le corps du bébé en mouvement : les pieds, les jambes, le tronc, la tête et les bras. Les mêmes exercices sont répétés dans le même ordre à chaque séance.
Prenons deux exemples :
a) Le nourrisson est couché sur le dos sur un lit divan de façon sécurisante et apaisante. Nous lui prenons les pieds, fléchissons les jambes et chantons sur un ton très doux « Tourner les pieds » pendant que le bébé suit du regard, quand c'est possible, ses pieds qui tournent dans un sens puis dans l'autre. Lors de cet exercice, nous lui mettons un pied, puis l'autre ou les deux ensemble sur les cheveux, le nez, vers la bouche. II lui arrive parfois de se mordre les orteils. Une mimique d'étonnement, de surprise, de plaisir, de dégoût ou même de colère peut apparaître. Ces brefs moments de déplaisir ou de frustration suscitent des expressions émotionnelles plus nuancées telles que le doute, l'embarras, un petit désagrément, la tristesse. Mais notre sourire, nos paroles ou toute autre réponse appropriée, opportune ou adéquate le rassurent et dans le meilleur des cas il joue alors avec ses pieds et réalise ainsi sa propre expérience. Ce passage à des émotions opposées, plaisir-déplaisir, lui permet une première identification. Par la joie que l'enfant découvre à se toucher, à se palper, à jouer avec son propre corps, il s'initie à la représentation de son schéma corporel. Si leurs pieds touchent les différentes parties de leur corps, ils nous touchent également et à chaque fois la partie touchée sera citée. Par le fait qu'il se touche, mais ose également nous toucher, il lui est possible de percevoir une première différenciation entre le « Moi » et le « Non Moi ». Ce sont les prémices de la perception de l'autre.
b) Dans le deuxième exemple, il s'agit d'un mouvement de flexion-extension alternative des jambes en chantant « Le petit train s'en va dans la montagne... ». Nous commençons le mouvement de façon très lente, dans une amplitude complète et correcte. La voix est douce, ferme et pleine de gaieté. Nous essayons de recréer les premières relations que son corps aurait pu connaître comme moyen de communication avec le monde extérieur.
Nous devons donc être à l'écoute de la moindre réponse, de la moindre ébauche de mouvement volontaire pour être en harmonie avec son rythme. Le rythme très lent au début deviendra par la suite plus incisif, plus rapide, mais toujours adapté à ce que le nourrisson nous indique. Il sera par conséquent différent à chaque leçon, car nous devons respecter, être en accord avec l'impulsion infiniment fine que le nourrisson nous donne. Nous devons également par l'intonation et les inflexions de la voix ou par toute autre réponse lui signaler toute modification de rythme au cours de l'exercice.
Ce que nous cherchons à éveiller dans cette interaction dynamique avec le nourrisson ou jeune enfant, c'est sa capacité et sensibilité à être animé ou apaisé grâce à une attention prolongée active lors des exercices chantés, ceci par les traits stimulants contenus dans la voix et le visage.
Ces mimiques liées au langage sont adressées au nourrisson d'une manière lente, simple, douce, chantante, répétitive avec exagération des aspects musicaux de la parole, un ton et une cadence variable dans laquelle nous pouvons introduire de surcroît des expressions de « fausse surprise », mais également de jovialité qui doit amener à une réponse de réciprocité entre l'enfant et nous-mêmes.
Le plaisir auditif lié au plaisir moteur lors de cette coïncidence entre ce qu'il entend et ce qu'il émet lui procure une véritable jubilation.
Ce sont les prémices du langage.
Cette intercommunication et l'expérience de son corps en mouvement éveillent chez le nourrisson de nouvelles perceptions sensorielles et motrices : source de développement de l'activité mentale et d'une meilleure approche du monde extérieur.
Nous savons que lors du développement moteur, l'enfant exécute des mouvements incoordonnés, et sans but précis. « Ensuite, il les coordonne, les précise et enfin il les automatise. » (Piaget) « Cette automatisation du mouvement signifie qu'au niveau du cortex il a fixé l'image motrice du mouvement. Il suffit d'intentionner celle-ci pour que le mécanisme complexe du jeu musculaire se déroule. »
Par la répétition des exercices, en augmentant l'impact des stimulations dans tous les domaines, on facilite, puis on crée des automatismes pour atteindre enfin à l'acquisition fonctionnelle. Ces acquis progressivement intériorisés par le bébé sont reproduits ultérieurement dans des contextes similaires ou lors de nouvelles expériences exploratoires, ce qui rendra possible à la longue l'assimilation de son schéma corporel. Cette dernière acquisition ne sera possible qu'en faisant comprendre et prendre conscience au nourrisson qu'il s'agit de son propre corps, et qu'il lui appartient de le commander et de le sentir vivre. « Le schéma corporel est fondé sur l'expérience » (Wallon).
C'est en faisant acquérir au bébé le schéma corporel, en le mettant littéralement dans son corps et en réorganisant l'espace autour de lui, que l'on apporte progressivement au jeune enfant la base de son identité, les prémices de son image du corps et une ébauche d'un processus de pensée.
Pour réussir l'induction, il faut susciter le mouvement actif et enfin le stimuler avec un maximum d'informations sensitives et sensorielles toujours renouvelées pour parvenir ainsi à intégrer, engrammer de nouveaux gestes harmonieux et progressivement conscients dans l'acquis antérieur (même si celui-ci semble inexistant) du bébé. C'est ce que nous pensons être à l'origine de la trace - de l'îlot - du noyau mnésique. Les éléments mnésiques ne sont pas seulement langagiers, mais aussi sensoriels (visuel - auditif - olfactif), cinesthésiques et kinesthésiques.
Mais tout ceci ne peut s'élaborer qu'à une seule condition, indispensable et excessivement importante, c'est d'avoir créé un désir, une appétence, une envie, une motivation qui doivent aboutir au plaisir de « vivre ». Ainsi ces acquisitions pourront être mémorisées, conscientisées, intégrées et devenir une expérience vécue. Il faut pouvoir provoquer ce désir, cette envie, cette motivation chez l'enfant le concerner le capter, le nommer, l'interpeller.
Cette interpellation ne peut pas être comprise comme un ordre ou une injonction, mais bien comme une attention captée et soutenue « Oeil à Oeil ». Cet échange mutuel « Être à Être » pendant les exercices est essentiel à cette fin ; c'est une dyade sous-tendue par toute l'intensité de notre désir de voir un jour le nourrisson prendre son envol, et également par notre absence d'angoisse à l'égard de sa capacité à progresser. Cette interpellation intense vise à élaborer une, voire la première communication entre le bébé et nous-mêmes, entre le bébé et le monde extérieur.
Il s'agit d'un moment privilégié de communion entre le nourrisson qui reçoit cette induction de vie et le thérapeute qui perçoit la fine intention de réponse. Lors de cette interaction une véritable connivence s'installe entre le bébé et nous-mêmes. « On sait qu'il sait, et qu'il sait qu'on sait, qu'il sait. » Ce savoir n'a rien à voir encore avec la conceptualisation, mais plutôt avec l'intelligence du coeur avec l'intention.
Cette réciprocité dans la relation provoque un enchaînement d'action/réaction/action. Par l'autorisation et l'encouragement de « pouvoir » que le nourrisson perçoit, vient sa réponse positive qui est alors source d'espoir raisonnable d'un plus grand être futur.
Quand on entraîne le mouvement actif, le geste, on induit le rythme et on fait éclore toute la potentialité de vie chez l'enfant.
Ne pourrait-on pas dire que ce sont là les premiers signes d'une existence du sujet dans la vie, de la vie de l'enfant dans le monde, d'une naissance, ou re-naissance en insufflant la vie ?
3. Le groupe
Vers l'âge de 18 mois, nous réunissons 3 à 6 enfants dont la Symptomatologie est différente. Chaque enfant du groupe, accueilli par une des deux thérapeutes, pénètre dans la salle située dans un appartement de vie quotidienne, pour rejoindre ses autres petits camarades du moment. En effet, il s'agit d'un groupe qui se renouvelle de façon permanente par l'arrivée de nouveaux et le départ d'un enfant soit vers un groupe d'un niveau supérieur, soit un départ définitif : signe de sa bonne évolution.
Les enfants se trouvent dans une grande pièce claire, agréable, riante, aux couleurs gaies avec des plantes naturelles, un tableau aimanté et des motifs de décoration enfantine. Ils y découvrent des armoires aux rangements multiples de jouets et de jeux éducatifs, des instruments de musique, un divan-lit, un miroir...
Chaque enfant est déshabillé jusqu'en sous-vêtements, et ce moment relationnel est mis à profit pour qu'il puisse nous communiquer certains faits, ou, tout simplement s'initier à enlever ses habits. Les mêmes mots pour les mêmes gestes sont redits à chaque séance pour permettre au bébé, par une première approche, d'élaborer son schéma corporel et d'entraîner sa fine motricité.
Corollairement, tout en continuant à répéter les exercices d'induction et sans oublier le massage, nous essayons d'introduire progressivement et prudemment un ensemble d'exercices intentionnels, volontaires, structurés au niveau du corps et intégrés dans l'espace et le temps comme la marche en accroupi, à genoux, à 4 pattes, le ramper... Au début de tout apprentissage nous ébauchons, avec une pression de mains sécurisante, le mouvement, mais nous laissons l'impulsion du geste au nourrisson. Nous devons sentir que c'est lui qui commande son déplacement, tout en respectant son rythme, qui au début sera très lent. Jamais nous ne sommes dans une attente anxieuse d'un progrès chez le jeune enfant, mais nous l'encourageons, le stimulons de façon chaleureuse et confiante en ses nouvelles possibilités toutes proches. Nous essayons de lui donner ce petit coup de pouce pour qu'il prenne conscience, qu'il peut plus qu'il ne croit.
La progression dans l'exercice s'intensifiera par une diminution dans la quantité de soutien apporté au nourrisson, mais non par la qualité de notre intention. Tout progrès est signalé, fêté, et nos félicitations seront un encouragement certain pour d'autres progrès dans l'avenir.
Cette éclosion de nouveaux acquis donne au jeune enfant une autonomie entière du mouvement. Elle ne peut être réalisée que par un entraînement, un effort, mais également par le passage harmonieux de la dépendance, pour parvenir à la longue à la joie et au plaisir d'un sentiment mêlé d'espièglerie devant cette nouvelle indépendance. Celle-ci permet au nourrisson une approche, une ébauche de la découverte de sa « personne ».
La répétition des exercices, enrichie par l'apport multiple d'informations somatognosiques toujours renouvelées, permet au jeune enfant, par l'expérience de son propre corps en mouvement et par la variété des notions de schéma corporel, de rythme, d'espace et de temps, en même temps, dans un même exercice, de recevoir, assimiler et s'imprégner de toutes ces nouvelles données. La réalisation et la multiplication de ces mouvements coordonnés, toujours motivés, l'expérience de plus en plus consciente et intégrée des nouvelles acquisitions personnelles situe le nourrisson vers un avenir qu'il s'approprie et le mène vers un mieux-être.
Si l'enfant vit, se déplace, explore, un jour ou l'autre spontanément il s'approchera du miroir pour s'y apercevoir. Il jouera avec son reflet en tapotant sur le miroir, en le léchant, en lui donnant des baisers. Ce seront les premiers balbutiements de l'enfant avec lui-même grâce à cet intermédiaire. Nous répondons à son regard d'étonnement, de surprise et à ses interrogations lorsqu'il découvre son image dans le miroir. A ce moment-là, nous le nommons, nous l'appelons. Dans la mesure où il a été nommé par nous, il joue à nous reconnaître dans le miroir. Ce sera le commencement d'une relation à l'autre.
Mais cette découverte personnelle de l'enfant est enrichie par l'expérience de ses autres compagnons. La dynamique du groupe par l'imitation, l'activité et l'interaction sociale crée un espace potentiel dans lequel l'enfant évolue, joue, s'initie de façon de plus en plus épanouissante tant du point de vue moteur que du point de vue mental. En effet une des notions essentielles du groupe est son rôle de « miroir » grâce aux rapports interhumains qu'il crée. On peut dire qu'au niveau de l'enfant se véhiculent trois notions : « Le "je", l’"autre", et le "nous" par le vécu partagé avec un ou plusieurs autres, par la reconnaissance de l'autre » (Emde).
Ceci permet d'illustrer la richesse qui surgit par le groupe grâce à la diversité des individualités qui en font une mini-société, mais également grâce à la force et à la créativité qui découlent de toute relation humaine.
4. Le jeu
Avant de parler du jeu, mode d'expression naturelle et privilégiée chez le nourrisson, nous pouvons dire que le fait de jouer avec lui est présent à tout instant. Ceci aussi bien lors du massage, des exercices d'induction que lors de son développement psychomoteur. Le jeune enfant le ressent comme tel et ceci déclenche chez lui un engouement, des éclats de rire ou des bravos parfois un peu intempestifs qui trouvent un écho dans nos paroles chaleureuses, dans notre sourire ou rire partagé.
Des moments de jeu, adaptés à l'âge et aux possibilités du nourrisson, alternent avec les exercices qui en constituent les chapitres principaux.
Notre action est multiple : expliquer, aider, participer, encourager et partager les activités ludiques. Le jeune enfant se trouve avec un ou deux petits compagnons près d'un ensemble de jouets de toute sorte que nous lui montrons et citons. Leur nombre et leur grande diversité laissent le champ libre aux jeux les plus variés et leur simplicité permet une infinité d'usages et d'activités comme remplir - vider, ouvrir - fermer, construire - détruire, emboîter, etc.
Les jouets mobiles sont une source supplémentaire de joie tant au niveau de la motricité qu'au niveau de l'invention, car le nourrisson jette l'objet, le prend, le relâche, le roule et puis va le chercher parfois même en dessous d'un meuble en se faufilant. Ainsi il découvre, explore un espace dans lequel il peut développer sa pleine créativité. Dans un groupe, l'émulation d'un circuit inter-relationnel permet au langage de se construire, car l'enfant apprend à négocier, à faire avec l'autre. Le premier qui a trouvé le jouet peut le remettre à son petit camarade, mais il peut également taquiner - par exemple, en le gardant ou en le cachant. La recherche et le retour de l'objet sont pour chacun des expériences enrichissantes, qui par leur symbolisation « absence - réapparition », leur permet d'intégrer un sentiment de sécurité.
L'envie, que l'enfant découvre au fil des séances, de jouer avec l'autre, mais également d'amener l'autre à jouer avec lui les enrichit l'un et l'autre. Les nouvelles motivations, et les nouveaux échanges ainsi créés enclenchent une appétence à la communication qui au début se manifeste par un pré-verbiage, pour se structurer en verbiage et progressivement en paroles et ceci dans une ambiance de plaisir réciproque.
Ce qui compte pour le nourrisson est la reconnaissance, par la parole, de sa créativité éphémère au moment de la réalisation. Dans ses moments de joie et de satisfaction, le nourrisson découvre l'envie de réaliser, d'expérimenter d'autres constructions. En cours de route il peut rencontrer des petits échecs, des petits problèmes à résoudre. C'est à nous à l'encourager, à l'approuver dans son effort par une parole, un sourire complice, une connivence. Le moment de frustration dépassé stimule l'intérêt du jeune enfant à continuer, à achever sa réalisation. Le bonheur et le sentiment de fierté ressenti rendent possible dans l'avenir une persévérance dans la finalisation d'une tâche. Les autres petits camarades du groupe peuvent également chercher cette reconnaissance dans la réussite et ainsi les stimuler à imiter, à jouer, à créer.
Mais ceci ne peut se réaliser que dans le plus grand respect de l'autre. Ainsi si le comportement d'un jeune enfant vis-à-vis de ses autres camarades ne respecte pas les règles de vie sociale, nous introduisons l'interdit en fixant les limites par la parole. Il faut que trouvent toute leur réalité, tout leur poids des notions aussi essentielles que : ce qui peut par rapport à ce qui ne peut pas, ce qui est bien par rapport à ce qui est mal, ce qui est beau par rapport à ce qui est vilain, ce qui est vrai par rapport à ce qui est faux, ce qui veut tout simplement dire oui ou non.
Pour en découvrir le sens il faut que le nourrisson puisse exprimer ses sentiments, ses émotions tout en partageant et acceptant ceux des autres. C'est le début de la vie intérieure du tout petit.